PAFE - En fouillant les registres

EN FOUILLANT
LES REGISTRES PAROISSIAUX


Région PicardieLors de la guerre de cent ans, le territoire français fut morcelé à l'extrême. En 1373 le Seigneur de Creil était vassal du Comte de Clermont. Lui-même avait vingt et un vassaux. Précy était un des neuf fiefs de Creil avec Blaincourt, Lamorlaye, Saint-Leu-d'Esserent, etc...
Vers le XVIle siècle, après avoir longtemps appartenu à la Province de Picardie, Précy fut réuni à l'Ile-de-France. Avec Napoléon ler, Précy devint commune du Département de l'Oise et dépendait du Canton de Creil. Ce canton fut créé en l'An 10 à l'époque de la réduction des Justices de Paix. Les cantons de Chantilly et Mello furent ainsi supprimés et englobés dans celui de Creil. Depuis le récent découpage du canton de Creil, la commune de Précy fait désormais partie du canton de Montataire.
Sur le plan religieux, la paroisse faisant partie du Doyenné de Beaumont-sur-Oise qui dépendait de l'Archidiaconné de Clermont, diocèse de Beauvais. Lorsque Napoléon Ier supprime les évêchés de Senlis et de Noyon en les intégrant à celui de Beauvais, un nouveau découpage apparut et depuis ce jour-là la paroisse de Précy dépend du Doyenné de Chantilly, appelé depuis 1970, secteur missionnaire de la Basse Vallée de l'Oise.
Hotel de la MonnaieLe recensement de 1804 compte 869 habitants à Précy. Le registre signale le 28 mars 1810 le renouvellement des vases sacrés qui avaient été confisqués pendant la Révolution. On les avait portés à l'Hôtel de la Monnaie à Paris pour être fondus. Un reçu est donné à Monsieur le Curé pour être conservé aux archives. Depuis ce jour-là, jusqu'au rétablissement du Culte on se servait de calices en étain et en cuivre. Une ordonnance du quatre Messidor de l'an 13 (23 juin 1805) signée par l'Evêque d'Amiens et de Beauvais Mgr Villaret oblige d'avoir des coupes du Calice et du Ciboire en argent doré, dans les plus brefs délais. On achète un Calice en vermeil chez le sieur Pierrot, orfèvre à Senlis, pour 118 livres.
Mai 1806. Le curé achète « un soleil pour le Saint-Sacrement en cuivre argenté avec le croissant en argent pour remplacer l'ancien qui n'est que de fer blanc et trop peu décent pour l'exposition du Saint-Sacrement ». Ce dernier servira désormais d'écrin reliquaire à la relique de la Sainte Croix du Christ. Le certificat d'authenticité de la relique est dans les archives paroissiales. La relique est exposée à la vénération des fidèles le Vendredi Saint, jour anniversaire de la mort du Christ.
garniture d'autel1806. Mme Bourdet, ancienne prieure du couvent de Saint-Martin de Boran, retirée au Puy, fait présent de deux garnitures de dentelles pour aube qu'elle avait elle-même exécutées
1806. Don de deux chandeliers en cuivre argenté par Geneviève Descourtieux épouse Chefdeville, vigneron à Précy.
Don d'une croix de procession par Mme Cotheroux.
Le marbre de l'Eglise provenant de la profanation des tombeaux et du mausolée des Seigneurs de Précy est vendu au marbrier de Senlis et le produit de la vente sera employé pour la construction du petit porche de l'Eglise.
Achat d'une lampe argentée placée dans le choeur de l'Eglise.
Le cimetière25 octobre 1807. Un membre du conseil a observé que l'herbe du cimetière accordée jusqu'ici au « Maître d'Ecol pour l'indemniser de la dépense des ballets (balais) qu'il employ au netoiment de l'Eglise » n'est pas suffisante pour le dédommager de cette dépense, cette herbe étant journellement mangée par les bestiaux qui entrent de toutes parts en ce lieu, faute de clôture suffisante pour les en empêcher. « L'Assemblée paroissiale arrête en conséquence que dorénavant l'herbe du cimetière sera vendue au profit de la fabrique (d'église) qui devra chaque année la somme de douze livres au maître d'école pour l'indemniser de la vente de l'herbe ».
Cette anecdote nous rappelle que l'école des garçons était tenue par un maître d'école rétribué par les paroissiens. L'école des filles était tenue par une congrégation religieuse. Cet état de choses devait être modifié à la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905. Jusque-là, le cimetière (pelouse autour de l'église) était la propriété de l'Eglise. Depuis la confiscation par l'Etat, l'environnement de l'édifice a gagné en propreté. Le cimetière fut transféré en 1851 sur la route de Neuilly. L'hygiène y gagna beaucoup. L'été on n'y respirait plus les odeurs nauséabondes de cadavres fraîchement enterrés que les chiens déterraient parfois la nuit suivante pour se partager les restes macabres. L'entretien de l'Eglise elle-même devait être fortement compromis. Là où il y avait autrefois les fermages des propriétés paroissiales qui permettaient d'entretenir l'édifice ou de l'embellir, il ne reste plus désormais que les modestes ressources communales aidées par les Monuments Historiques de France.
En 1883, le 24 février, M. le curé Chamblay bénit une chapelle érigée dans le cimetière. Il est précisé que cette chapelle appartient à la Famille Audebert-Petitjean-Caboche, qu'on peut uniquement y célébrer des messes pour les défunts et qu'elle doit être ouverte au public. En juillet 1815 « une fièvre putride et pernicieuse accompagnée de dysentrie » se développa à Précy où elle dura pendant deux mois et où elle atteignit quatre-vingt personnes dont près du quart succomba. Cette affection fut attribuée aux émanations provenant du Marais Dozet situé en face de Précy, et qui avait été inondé pendant l'hiver précédent.
ostensoir en fer blancLe 6 octobre 1816. Don d'un bénitier en métal argenté par M. Hardouin Philippe, Vicomte de Navarre, demeurant ordinairement à Paris, place Royale, à l'ancien hôtel de Richelieu n' 21, ayant depuis peu acquis une demeure à Précy sise en la rue Saint-Germer. Il demande la « chapelle neuve » de l'Eglise - attenante à la chapelle de la Vierge - pour y assister aux offices avec sa famille.
Le 6 juillet 1818. La nouvelle cloche fut coulée le samedi 4 juillet 1818. Elle se compose des débris de l'ancienne et d'une portion de métal surajouté en sorte qu'actuellement elle est du poids de deux milles livres, trois gros, trente-six grains et comme on compte aujourd'hui de mille kilogrammes environ. Elle a été bénie le surlendemain 6 juillet et nommée Pierre-Marie pour Pierre Lacour, bourgeois de Paris y demeurant et pour Dame Marie Benjamine Etienne, veuve de M. Didier Cothereau, demeurant aussi à Paris. La petite cloche fut offerte à l'Eglise en 1895 par Mme Bellanger, née Victorine Taupin de Précy.
La vendangeLes comptes paroissiaux du XVIIIe font mention d'une rétribution faite « au serpent ». Il s'agit d'une rétribution d'un musicien. Le genre de longue flûte avec laquelle il accompagnait les chants d'église se nomme « un serpent » à cause de sa forme.
En 1827, un cinquième de la population de Précy sait maintenant lire et écrire. En 1825, Précy compte 62 écoliers.
En 1823, la passementerie « Gravelot » est venu s'installer à Précy. Ce négociant emploie environ cinquante personnes (femmes et enfants). Les enfants y travaillent dès l'âge de six ans. On y confectionne aussi des boutons de soie et de fil de toutes grandeurs et façons. Vers 1850, des tuileries et des briqueteries font leur apparition. Chaque année, environ deux mille kilogrammes de silex ramassés sur les côteaux de Précy et de Blaincourt servent à la fabrication de la faïencerie de Creil. En 1873, M. le curé fait percer deux fenêtres dans le bas-côté droit de l'église. M. Auchois fait don d'une verrière représentant Saint Nicolas et Sainte Adélaïde. M. le curé fait mettre une autre verrière représentant Saint Charles Borromée dans l'autre fenêtre. En décembre 1873, don de la chaire à prêcher par M. Lavalée. Ce même mois, le curé ouvre une souscription pour la reconstruction du maître-autel abîmé depuis la Révolution. Cette même année, l'abbé Joseph Quertier, laisse par testament signé du 3 décembre 1873, la somme de 5.000 Francs-or à l'église pour l'entretien de l'orgue dont il avait doté l'église quelque temps auparavant. Cette somme fut placée en rentes d'État qui furent confisquées par l'Etat à la séparation de l'Eglise et de l'État.
En janvier 1874. Don d'une verrière représentant Sainte Félicité, martyre, dans une des fenêtres du bas-côté de l'église, par Mad. Lensaufier. « Le Conseil est d'avis que des verrières de couleur seraient placées dans les autres fenêtres des bas-côtés au fur et à mesure que les ressources de permettront ». Toutes les verrières et vitraux furent soufflés lors du bombardement de Saint-Leu et Précy à la dernière guerre de 40-44. Les vitraux actuels sont l'œuvre du Maître-Verrier B. Gilbert qui les a posés en 1958.
L'abbé LemaireL'abbé FeutrelChanoine Finot1875. La récolte de vin a été exceptionnelle cette année. Les pentes de la rive droite de l'Oise, bien exposées au soleil de midi, se prêtent depuis des temps immémoriaux à la culture de la vigne. Les vins récoltés sont de médiocre qualité et ne se conservent que deux ou trois ans. La quantité moyenne de la production annuelle est de neuf hectolitres par hectare. Depuis le début du XVIIIe siècle, les vignerons découragés par l'incertitude des produits et par leur mauvaise qualité par rapport aux vins plus connus, ont peu à peu remplacé les vignes par des terres à grain ou des arbres fruitiers. Aux dires de M. Riche Luce, les dernières bouteilles de vin de Précy ont été vendues aux enchères publiques en 1915 sur le marché de Précy.

En 1899, la famille Wateau fait don de deux lustres placés dans la chapelle de la Sainte Vierge et ceci en mémoire de leur fils Maurice Louis Wateau pieusement décédé le 8 septembre 1898. La même année, Victorine Bellanger vient à mourir et charge l'abbé Lemaitre, curé de Précy, son exécuteur testamentaire, d'acheter pour l'église, un magnifique ostensoir en argent doré avec 12 sujets gravés sur argent oxydé au prix de trois mille francs-or.
Par testament du 1er novembre 1899, M. Frédéric Grandperrier, institue « un prix de vertu qui sera donné tous les ans, à la Saint Pierre, à la jeune fille qui se sera fait le plus remarquer par sa bonne conduite ». Le Conseil décrète que « pour encourager la jeunesse à la vertu, de convoquer au son de toutes les cloches, la jeune fille qui aura été l'objet du choix de la Municipalité, à venir après la cérémonie de son couronnement, escortée de ses parents et de ses amis à l'église, assister à une cérémonie religieuse faite en son honneur et destinée à donner plus d'éclat à la fête de son couronnement ».
Il fait également un legs d'une rente de 3 % sur l'Etat de 25 Francs or pour fonder un prix scolaire dans l'école, des filles.
Il apparaît à la lecture des registres paroissiaux que durant tout le XIXe siècle, l'église de Précy a bénéficié de beaucoup de dons de la part des paroissiens qui avaient à cœur de redonner à leur église la splendeur qu'elle avait avant le pillage et le vandalisme dont elle souffrit pendant la Révolution.

 

PAFE - Le Mausolée

LE MAUSOLÉE DE PRECY


Gisants à St DenisNous n'avons pas l'intention de décrire un chef-d'œuvre funéraire comme les tombeaux royaux de Saint-Denis avec leurs magnifiques gisants des Xlllème et XlVème siècles.
Il ne s'agit pas même pas d'évoquer un simple monument funéraire comme celui du Chevalier Jean de Savigny en l'église de Savignies (Oise), ou en bien d'autres petites églises de France qui abritent encore d'humbles merveilles peu connues. Nous voulons simplement faire surgir des archives un mausolée qui donnait une signification à Précy.
Un manuscrit de Godefroy Hermant, recteur de la Sorbonne au XVIIème siècle, parle d'une « tombe de marbre noir élevée de terre au milieu du chœur » de l'église de Précy (1).
Les chroniques de l'Abbé Decaux (1840) relatent deux lettres. La première signée par le Roi Philippe VI dit de Valois (1328), la seconde, signée par le Pape Jean XXII résidant à Avignon, en la quatorzième année de son Pontificat (1330).
Les deux lettres, rédigées en latin, sont adressées à Philippe de Précy. Celle du roi l'autorise à « fonder une chapelle au nom de Madame » (la sainte Vierge). Celle du pape « empreinte d'une grande bienveillance pour le pieux Fondateur » accorde la même autorisation.
Eglise de SavigniesEn 1570, « Louis de Saint Gelais de Lusignan, Seigneur de Précy a fait reconstruire la nef de l' église incendiée par les Anglais lors de la guerre de Cent Ans ». Il se réserva « le droit de chapelle de sépulture et de caveau... en l'Église de Saint-Pierre de Précy, icelle construite par le Père de Messire Louis de Précy... Ce dernier était son fils, mort subitement à l'âge de trente deux ans, dit-on. Le Père et le fils furent tous deux déposés les premiers dans le caveau. Au-dessus s'élevait un monument de marbre noir en forme de tombeau, recouvert d'une table en marbre blanc avec une inscription que nous n'avons pu retrouver » (abbé Decaux).
En 1793, la Révolution ouvrit le caveau. On y trouva plusieurs cercueils en plomb et une quantité d'ossements. Le corps du Fondateur, Messire de Saint Gelais fut dépouillé de son linceul et trouvé intact.
Francois de BoutevilleOn le sortit du caveau, on le promena par dérision dans l'église et après l'avoir fouetté et mutilé on le rejeta dans le caveau... En 1828, Messire Robert, curé du lieu le fit ouvrir. Il en fit retirer tous les ossements sans distinction et les fit déposer dans le cimetière. « En 1856, nous l'avons visité nous-même et nous n'y avons trouvé que deux petits vases en plomb sur l' un est écrit : 'le cœur de Monsieur de Bouteville'. C'est de Bouteville François qui fut décapité en Place de Grève pour duel en 1627. Sur le second vase on lit : 'Ceci est le cœur de feu Madame la comtesse de Bouteville 1698'. Ce dernier vase a été ouvert et vidé. Il ne contient qu'un peu d'eau rouge ». (2)
Le Mausolée fut enlevé et vendu à un marbrier de Senlis. L'argent provenant de cette vente fut employé à restaurer le porche de l'église, œuvre ignoble.
Les chroniques signalent un curieux détail à propos de l'église : « Elle est enterrée, pour y entrer il faut descendre six marches... le cimetière qui l'entoure a été rehaussé, dit-on, par la terre reti¬rée des fossés du château dont elle était voisine ».
Il est donc question :
1°) d'un tombeau en marbre noir.
2°) d'un caveau où fut déposé Philippe de Précy fondateur de l'église.
3°) Au-dessus du caveau s'élevait un Monument de marbre noir en forme de tombeau, recouvert d'une table en marbre blanc. Il est également appelé Mausolée, ce qui signifie un monument funéraire somptueux.
Remarquons qu'après la Révolution le fondateur désigné n'est plus Philippe de Précy mais Louis de Saint Gelais qui avait fait construire la nef gothique de 1570 à 1582. On distingue également le droit de sépulture du droit de caveau.
Gisants à FontevraudSi nous prenons maintenant les chroniques Battelier qui sont plus tardives (1882) on y parle de « Philippe de Précy, principal Fondateur » et de « Louis de Saint Gelais second Fondateur ». On y lit également qu'« au-dessus du caveau s' élevait un mausolée de marbre noir en forme de tombeau, recouvert d'une table en marbre... Ce monument fut enlevé vers 1828 aux témoignages des habitants du bourg ».
« Il y a quelques années, il ne restait plus dans ce caveau que deux petites boîtes en plomb... ces deux vases ne contenaient qu' un peu de poussière humide ».
Remarquons au passage que « I'eau rouge » des chroniques Decaux, devient avec le temps « un peu de poussière humide » dans le récit consigné par Battelier.
A propos de Guillaume de Saint Simon de Rasse, son épouse et leurs enfants, les chroniques Battelier précisent : « Leurs pierres tumulaires étaient placées dans les bas-côtés de Saint Louis près de la sacristie ».
On lit par ailleurs dans ces mêmes archives qu'on a retiré « huit cercueils de plomb et deux cœurs également de plomb du caveau en dessous du Chevalier gisant au milieu du chœur de l' église »

L'abbé Chambay, curé de Précy en 1873, disposant sans doute de témoignages locaux décrit un « Mausolée composé d'une épaisse dalle en marbre noir soutenue par quatre lions couchés qui faisaient office de supports de la dalle sur laquelle reposait un croisé en armure le heaume entr'ouvert, tenant d'une main son bouclier et de l'autre son épée ».
Comment interpréter toutes ces données ?
Gisant Louis de SancerreIl s'agit de toute évidence d'un monument funéraire en l'honneur du bâtisseur appelé fondateur de l'église. Les decrétales et plus tard le droit canonique accordent aux fondateurs d'église, le droit de sépulture et de caveau à l'intérieur de l'édifice qu'ils ont fait construire.
Il est clair et net que ce droit fut accordé à Philippe de Précy. principal fondateur. A sa mort vers 1330, on lui a donc élevé un monument funéraire, sans doute un chevalier gisant en pierre comme on en faisait beaucoup à l'époque pour glorifier les chevaliers qui avaient participé aux croisades en Terre Sainte. Ce monument a probablement été brisé ou souffert du vandalisme qui sévit dans la région pendant la guerre de Cent ans lorsque les Anglais mirent le feu à l'église de Précy.
Le seigneur Louis de Saint Gelais, second fondateur, ayant également droit de sépulture et de caveau, a remanié l'église dévastée (1570) lorsqu'il a fait construire l'actuelle nef gothique. Il a sans doute aussi fait restaurer ou refait le monument funéraire à la manière de l'époque.
Les éléments de style renaissance, sont alors plus somptueux ce qui explique la deuxième description de la « pierre tumulaire » qui devient « Mausolée » en forme de tombeau. Ce dernier fut brisé à la Révolution Française et lors de la restauration de l'église (1828) on vendit les restes du monument à un marbrier de Senlis.
Aujourd'hui, seule une composition de dalles en marbre noir, blanc et rose déposées en forme de losange, marque l'endroit où se trouvait autrefois le monument funéraire du fondateur de l'église de Précy.
Sic transeat gloria mundi !
Ainsi passe la gloire du monde !

(1)    Paris Bibliothèque Nationale, Manuscrits français n°8579.
(2)    Archives Paroissiales de Précy. Chroniques Decaux et Batelier-Chambay

PAFE - Pierres tombales

PIERRES TOMBALES EN L'EGLISE DE PRECY
« L'Avenir c'est le passé qui nous précède » Henri Bergson


Dalle funéraire de LiègeCet article se voudrait une pièce de plus pour le puzzle de l'histoire de Précy. Peut-on, à l'heure du R.M.I. pousser un cri d'alarme à propos de la violation des tombes ?
Les uns se scandalisent de voir des tombes profanées, d'autres s'indignent de voir qu'on se préoccupe plus de pierres tombales que de tant d'hommes brisés ou profanés d'une autre manière.
La vie et les êtres ont plus d'importance que les choses !
Pourtant l'un n'empêche pas l'autre, même si ce cri d'alarme se veut en faveur de tant de malheureux qui sont comme des pierres vivantes qui crient « pitié » !
Parmi eux, il y a ceux et celles de Précy, dont on a voulu effacer le souvenir d'un passé riche en événements de tous genres. Oublier le passé c'est risquer de revivre ses erreurs !
L'église de PrécyLes dalles funéraires gravées que l'on peut repérer dans le dallage en damier noir et blanc de la nef de l'église se trouvaient primitivement dans le choeur. Elles couvraient principalement les dépouilles des Seigneurs de Précy ou des membres et proches de leur famille.
Lors de la Révolution de 1789, elles furent l'objet de vandalisme et de profanations. Plusieurs ont disparu et d'autres sont par l'usure devenues illisibles. Au lendemain de la Révolution on réorganisa le culte et l'église fut restaurée. Les vestiges de ces dalles funéraires prirent alors place dans le nouveau dallage de la nef. Etait-ce pour flatter le goût du jour ou voulait-on piétiner ces dalles pour exprimer son mépris à l'égard de ceux qu'elles rappellent ?
Retenons qu'elles étaient plus nombreuses et que l'emplacement de celles, qui restent ne correspond pas aux caveaux qu'elles ont recouverts autrefois.

Ces magnifiques dalles, témoignages du patrimoine local, sont aujourd'hui dans un état de conservation préoccupant. Si l'on ne remédie pas à cette situation, il est à craindre qu'elles soient à tout jamais perdues pour les générations futures.
Pierres de St MaximinLa pierre calcaire de ces dalles gravées est de bonne qualité, homogène, à grain fin, de couleur brun clair et ferme. Leur provenance est sûrement des carrières de Saint-Maximin (Oise), seule la pierre tombale du Chevalier Jehan de l'Amaury est en liais. Celle du prêtre de la paroisse est ferme mais couverte de calcin (1). Le durcissement du calcin et l'aspect de taille polie mat (2) des autres dalles, leur donnent un aspect plus clair.
Elles ne sont pas signées par le graveur. Les incisions sont en «V» de trois millimètres de profondeur.
Un feuillet volant des archives paroissiales donne un croquis de l'emplacement des dalles dans le chœur, avant la Révolution. Celles des plus importants personnages entouraient le mausolée en marbre noir et blanc surmonté du gisant représentant un Chevalier, Seigneur de Précy (3).
Guillaume de RasseAu milieu, devant le maître-autel, rejoignant son marchepied, se trouvait celle d'un prêtre, curé-chapelain de la paroisse de Précy. Elle mesure 2,33 m de longueur sur 1,20 m de largeur, c'est la plus grande dalle gravée de l'église. Sur les restes de cette pierre on voit encore le tracé de la chasuble gothique, de l'aube et des armoiries du prêtre. Les quelques inscriptions gothiques de l'épitaphe sont trop usées pour être déchiffrées.
Tout porte à croire qu'il s'agit du premier ou de l'un des premiers curés de la paroisse. C'est la pierre la plus ancienne ; quatre autres dalles sont du XVIème siècle, deux autres encore du XVIlème siècle et une du XVIllème siècle. Les autres pierres gravées sont illisibles (4).
La deuxième dalle funéraire qui mérite attention est celle de Guillaume de Rasse et son épouse. Cette pierre gravée mesure 1,65 m de longueur sur 80 cm de largeur. L'épitaphe qui borde les quatre côtés de la dalle fait penser à une ligne de manuscrit médiéval. Les lettres gothiques sont gravées à fond plat en «V» de 3 millimètres de profondeur.
On y lit : « Ci gisent nobles personnes Messire Guillaume de Rasse en son vivant advocat à la Cour et Parlement, demeurant à Précy, lequel trépassa le onzième jour de septembre 1563 et Demoiselle Jehanne de Bellon, femme dudit défunt laquelle décédée le onzième jour de septembre 1580.
Priez Dieu pour leurs âmes ».
Parlement de parisGuillaume de Rasse de l'illustre maison de Saint-Simon est représenté en robe d'avocat. Il porte les cheveux courts et bouclés, la barbe et la moustache à la mode de François Ier. Il a les yeux ouverts et les mains jointes pour la prière. Sa femme, Jehanne de Belloy a elle aussi les yeux ouverts comme pour proclamer qu'elle et son mari sont toujours vivants et contemplent Dieu dans le face à face éternel. Elle porte un chaperon avec voile, une chemise à col godronné, ancêtre de la fraise, une cotte et surcotte à col en éventail. La cotte a des crevés à l'Italienne. A sa ceinture à cordelière est suspendue une croix.
L'attitude hiératique du couple respire la majesté. Leurs visages sont de toute évidence stylisés et traités pour affirmer la Foi en la vie éternelle. Le regard serein des personnages étroitement serrés l'un contre l'autre et leurs mains jointes pour la prière dégagent un sentiment de paix. Leurs armoiries figurent sur le haut de la dalle.
L'histoire nous apprend qu'ils avaient perdu leur fils Loys en 1534. Il était avocat en la Cour et Parlement de Paris et fut inhumé en l'église de Précy. Sa dalle funéraire gravée existe toujours. Elle mesure 1,30 in de longueur sur 73 cm de largeur et est malheureusement presque totalement effacée. De même pour la dalle gravée de leur fille, Dame Charlotte de Rasse, qui mourut en 1581, huit mois après sa mère et fut également inhumée dans le caveau de famille dans le choeur de l'église.
Cette dernière pierre gravée mesure 1,35 m de longueur  sur 64 cm de largeur. Une autre dalle funéraire, probablement de la même famille de Rasse et qui mesure 1,35 m de longueur sur 64 cm de largeur représente un « avocat de la  Cour et Parlement de Paris, demeurant à Précy où il fut inhumé... et près de lui son fils qui trépassa trente jours après Son père ».
Il s'appelait Louis. On voit les traits de sa robe d'avocat. Le reste des gravures est pratiquement indéchiffrable.
Jehan de LamauryLa plus belle dalle funéraire en l'église est la plus ornée, la plus  originale et la mieux conservée. Elle est en liais, mesure 2,16 m de longueur sur 1,12m de largeur et se trouve placée au pied de la Chaire de Vérité. Elle représente le Chevalier Jehan de l'Amaury. Il a dû faire exécuter cette dalle de son vivant car l'inscription de la date de son décès est gravée avec d'autres caractères que le reste de l'épitaphe. Les mots, « le premier jour de Mai mille six cens 24 » ont été ajoutés après sa mort. Cela se faisait couramment et se fait encore de nos jours.
Le chevalier est en armure, cotte de mailles, cubitières, canons de bras, cuissards, genouillères, ailerons, grèves et sollerets. Les grèves sont faites de lames superposées  tout en étant d'un seul élément. Cela correspond aux modèles qui circulaient dans les ateliers des tourbiers de l'époque. Les contrats passés entre l'acheteur et l'artiste ou artisan tourbier spécifiaient s'il s'agissait d'une dame, damoiselle, prêtre, chanoine, avocat, chevalier, etc...
On lui communiquait le dessin de ses armoiries, le texte à graver comme épitaphe et parfois le choix de l'écriture « à la mode antique ou moderne » mais jamais de portrait. Certaines dalles étaient pré-gravées dans les ateliers où on venait les choisir. Il ne restait plus au graveur qu'à compléter l'épitaphe, les armoiries ou autres accessoires.
Ici le graveur a représenté le Chevalier dans un décor meublant architectural et floral composé de colonnes corinthiennes sur sous-bassements garnies de feuilles et de rinceaux. Jehan de l'Amaury, coiffé barbu et moustachu à la François ler porte une chemise à col en éventail qui sort de son vêtement. Il a les mains jointes et les yeux fermés. Sur son tabard on voit ses armes cousues ; une croix à dextre et un lion à senestre. Ses armoiries se retrouvent en haut de la pierre tombale dans un décor de feuilles d'acanthe stylisées. On y aperçoit son écu surmonté du heaume à plumait. Son épée figure à ses côtés. Une épitaphe gravée en caractères gothiques borde les quatre côtés de la dalle.
Le prince de CondéOn y lit : « Ci gist Jehan de l'Amaury en son vivant escuier Seigneur de Chabonne... mère et du feu Roy Henri Ill, Roy de France et de Pologne, Contrôleur et Maistre d'hostel ordinaire de Monseigneur le prince de Condé, lequel décéda le premier jour de may mil six cens vingt quatre. Priez Dieu pour son âme... »
Que vint faire cet écuyer à Précy ?
Intendant du prince de Condé, tout en faisant parfois fonction d'officier de table dans les grandes cérémonies, on peut supposer, étant donné les relations des Condé avec les Montmorency, que Jehan de l'Amaury fréquenta le bouillonnant et querelleur François de Montmorency, Seigneur de Précy de 1616 à 1627. Le fait d'être inhumé en l'église de Précy indique un lien d'amitié ou de parenté avec les seigneurs de Précy.
A-t-il servi comme maître d'équitation au seigneur ou aux Dames ? Etait-il intendant ou simplement l'ami qui portait l'écu de François de Montmorency lors de ses nombreuses réceptions et chevauchées ? François de Montmorency est demeuré célèbre dans les annales de France pour avoir tué en duel le Comte de Torigny, marquis de Bussy. Le duel était interdit dans le royaume. Louis XIII le fit arrêter et juger. Il fut décapité à Paris en place de Grève, le 21 juin 1627. Son coeur a été enfermé dans un coeur de plomb et déposé dans le caveau de l'église de Précy.
Une dalle funéraire rappela sans doute cette présence mais nous n'en trouvons pas de trace si ce n'est que dans les archives paroissiales qui signalent que les révolutionnaires vandales retirent du caveau de l'église : huit cercueils de plomb en mauvais état ainsi que deux cœurs de plomb dont un portait l'inscription : « le cœur de monsieur le Comte de Bouteville ».
Henri III et GuiseParmi les autres dalles indéchiffrables, figure une dalle de Fondation ainsi qu'une moitié de dalle de 80 cm sur 73 cm. Elle se trouve dans la nef près de la pierre tombale de Guillaume de Rasse. Cet inconnu, est mort en « Janvier 1755... Claude François Caron... lui a fait mettre ce, te tombe. Priez Dieu pour lui ». Le bas de la pierre est gravé d'une grande tête de mort (crâne) entourée d'une fleur de lys de chaque côté. L'affection qui liait ces deux hommes est sans doute à l'origine de cette dalle. Il s'agit peut-être du fils de Gilbert Caron, lieutenant de Précy ?
La dernière dalle funéraire est celle d'un chirurgien-apothicaire de Précy. C'est une dalle de fondation d'1,20 m de longueur sur 65 cm de largeur. Ce modèle se retrouve à plusieurs endroits, seul le texte et les initiales varient d'une personne à l'autre. Le texte est encadré de deux colonnes ioniques (5) ; elles soutiennent une pierre transversale surmontée d'une pierre en demi-cercle, où figure un homme à genoux sur un prie-Dieu, devant un Christ en croix.
Dalle fondation NoelDe l'autre côté de la croix, on aperçoit un banc vide. L'épitaphe qui introduit le texte est une citation latine du livre de Job, gravée en lettres modernes « In novissimo die de terra surrecturus sum et rursum circumdabor pelle mea ».
Le texte qui suit précise : « Cy devant gist honnorable home, Germain Noël, vivant chirurgien aphothicaire de la maison du Roy lequel est décédé à Précy le 2ème jour d'apvril 1652 ». Il s'agit du médecin apothicaire de l'Hôtel Dieu ou charité de Précy. Il habitait sur la place de l'église à l'endroit de l'actuelle maison de Dominique Blondel.
La dalle précise que, par testament, Germain Noël avait légué à l'église de Précy une rente annuelle de sept livres quinze sols pour acquitter des messes et prières pour le repos de son âme, « le jour de saint Germain et à la fin des messes de dire le De Profundis sur sa sépulture, crestien priez Dieu pour son âme. Requiescat in pace ».
En terminant cet article concernant les souvenirs funéraires en l'église de Précy, je m'en voudrais d'oublier de signaler les restes d'une litre (6) peinte au-dessus des colonnes de la nef centrale. On peut encore deviner la polychromie d'armoiries pas tout à fait effacées, à droite, sur le mur à côté de l'estrade de la tribune d'orgue. On distingue deux anges qui soutiennent une couronne ducale au-dessus des armoiries du Maréchal Charles François Frédéric II de Montmorency, duc de Luxembourg, Seigneur de Précy (1702-1764)

Colonnes & chapiteau(1) La pierre extraite des carrières est imprégnée d'eau. Quand l'eau s'évapore, il reste à la sur face de la pierre un dépôt de carbonate de chaux qui forme une croûte appelée calcin.
(2) Taille terminée à la potée d'étain ou à l'acide oxalique. L'application est faite manuellement au moyen d'un tampon feutre ou de drap enroulé très serré et légèrement humidifié.
(3) Il s'agit sans doute de Philippe ou de Guillaume de Précy. L'un et l'autre s'étaient croisés. L'un à la première, et l'autre à la sixième croisade. Philippe de Précy avait rapporté des reliques de Terre Sainte. A son retour, on lui avait fait un accueil triomphal.
L'hypothèse que le gisant représentait plutôt Louis de Saint Gelais repose sur un texte des archives paroissiales qui dit qu' il fut inhumé dans le chœur de l'église. Or le chœur est vaste et ne signifie pas forcément le caveau devant le maître-autel. 11 est fort probable que Louis de Saint Gelais se trouvait inhumé en la chapelle Saint-Louis à côté de la sacristie. L'histoire nous apprend qu'en 1793, c'est-à-dire deux cents ans après sa mort on avait retrouvé son corps intact.
Certains criaient au miracle et venaient fleurir sa tombe au lendemain de la Révolution. Le vitrail de Saint Louis, roi de France, atteste-t-il de cette dévotion envers leur seigneur Louis de Saint Gelais qui avait reconstruit la nef de l'église après sa destruction par les Anglais pendant la guerre de Cent ans ?
(4) J'estime à environ 38, le nombre de dalles funéraires en l'église de Précy. En dehors de celles que nous signalons dans cet article, elles sont toutes usées et donc illisibles.
(5) Ces colonnes ont des rainures, un chapiteau à volutes surmonté d'une architrave mais sans frise ni cor,-fiche. Les bases sont allongées et décorées de feuilles. Elles mêmes reposent sur un piédestal dont le tronc est décoré de cieux tibias croisés sur une fleur de lys, et prend congé sur une nouvelle base de socle.
(6) Litre : large bande noire qu'on peignait toutautour sur les murs à l'intérieur de l'église lors des obsèques d'un grand personnage et sur laquelle f igurent les armoiries du défunt. Beaucoup ont été effacées lors de la Révolution française.

 

PAFE - Investiture de St Pierre

L'INVESTITURE DE SAINT-PIERRE

Investiture de Pierre
Ce tableau de l'Ecole Française, représentant « l'Investiture de saint Pierre » a été peint par un anonyme à la fin du XVIIème siècle. Il fait partie des Objets d'Art classés du département de l'Oise (1).
C'est à ce titre qu'il vient d'être restauré par Alain Bouchardon, artiste-peintre à Senlis, agréé, par le Ministère de la Culture. Il a retrouvé sa place dans le baptistère de l'Eglise de Précy où il se trouvait avant la Révolution Française.
ColbertCe thème de l'investiture de Pierre revient fréquemment dans l'iconographie chrétienne à la fin du XVIIème siècle et au XVIIIème siècle. Il s'inscrit dans le contexte du Gallicanisme qui ne considérait pas l'infaillibilité pontificale comme une vérité révélée telle qu'elle sera définie plus tard par le Concile Vatican I (1870). Pour comprendre le tableau il faut le situer dans son cadre historique qui est celui de la Régale ; une période quis étend de 1673 à 1693. Selon le droit, le roi pouvait, durant la vacance d'un siège épiscopal, percevoir les revenus d'un diocèse (régale temporelle) et nommer à tous les bénéfices dont la collation appartenait à l'évêque (régale spirituelle). Il y avait là une compensation reconnue pour la part du fief royal octroyée à certains évêchés. Le deuxième Concile général de Lyon avait en 1274 formellement interdit d'introduire la régale là où elle n'existait pas. Les prédécesseurs de Louis XIV ont toujours respecté ce droit de l'Eglise. Les rois de France n'avaient même jamais usé de leurs droits en Provence, en Guyenne, en Languedoc ou en Dauphiné. Louis XIV en revanche voulut étendre son droit de régale à la France entière. Il chargea son ministre Colbert d'établir dans un factum que le roi comme tout seigneur a le droit de s'approprier les revenus d'un fief de sa mouvance jusqu'à ce que le titulaire eût prêté hommage et que tel était le cas des évêchés vacants.
Une déclaration de 1673 étendit la régale à tout le royaume. Le roi comptait sur l'adhésion tacite de l'épiscopat. Issus de la noblesse la plupart des évêques lui devaient leur nomination alors que beaucoup n'avaient pas la vocation ou étaient dépourvus des qualités requises pour être évêque. Les évêques Pavillon d'Alet et Caulet de Pamiers qui avaient beaucoup souffert de la part du roi dans l'affaire du Jansénisme, protestèrent violemment et en appelèrent au Pape Innocent XI. Ce dernier prit la défense clés « pieux Jansénistes », « anarchistes » justement opposants. Mgr. Pavillon mourut mais l'évêque de Pamiers reprit le flambeau et continua la résistance avec acharnement.
Louis XIV fit saisir son temporel par l'intendant Foucault : « Sire, écrivait le vieillard, on ne m'a pas laissé les choses les plus nécessaires à la vie, lesquelles on ne refuse pas aux plus criminels ».
Innocent XILe 7 août 1680, le saint évêque Janséniste de Pamiers mourut à son tour. Madame de Sévigné écrivait alors « Voilà l'affaire de la régale finie ... ». C'était mal connaître le Pape Innocent XI (1676-1689). Ce n'est pas pour rien qu'on le surnomma « le saint opiniâtre ». Par trois fois, il somma Louis XIV. Son troisième bref contenait une menace non déguisée : « Nous ne traiterons plus cette affaire par lettres, mais aussi nous ne négligerons pas les remèdes que la puissance dont Dieu nous a revêtu met entre nos mains ». Le roi sut lire entre les lignes mais l'Assemblée générale du Clergé exprima au roi : « son extrême déplaisir de la lettre pontificale » et se déclara « liée à sa Majesté par des liens que rien ne serait capable de briser ». Une assemblée générale du Clergé fut convoquée en 1682.
BossuetElle fut recrutée avec une partialité révoltante. On n'y comptait que 34 évêques et 37 députés du bas clergé. Deux hommes menèrent le débat. François de Harlay, archevêque (le Paris, s'afficha fougueusement. Gallican alors que Bossuet, évêque de Meaux, se prononça en faveur de l'Unité de l'Eglise. Finalement Bossuet, résigné à l'inévitable, rédigea une Déclaration du 19 mars 1682, affirmant que les rois et les souverains, ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique par l'Ordre de Dieu dans les choses temporelles. On y déclara les fameux « quatre articles de 1682 », véritable charte des prétentions gallicanes que l'on peut résumer ainsi ; 1° le pape n'a aucun droit sur le temporel du royaume. 2° au spirituel, suivant les décrets de Constance, le Concile oecuménique et supérieur au Pape, 3° aussi l'autorité pontificale ne doit-elle s'exercer que conformément aux canons des conciles et même aux usages de l'Eglise-Gallicane. 4° Son jugement ne devient donc irréformable qu'après consentement de l'Eglise.
La réponse du Pape ne se fit pas attendre. L'irréductible Innocent XI refusa la confirmation canonique et donc l'investiture à tout ancien membre de l'Assemblée de 1682 que le roi nommerait à un évêché. Ce fut la panique. En 1687, trente-trois diocèses se trouvaient sans évêque à défaut d'investiture. Louis XIV fut excommunié. On lui conseilla une nouvelle Assemblée générale du Clergé. Il se laissa prendre dans le filet de la politique de résistance. L'occasion lui en fut donnée avec le droit d'asile du Palais des Ambassadeurs à Rome. On y jouissait d'un droit d'asile abusif : « les franchises étaient devenues le plus sérieux obstacle à la pacification et à la moralisation publique ».
Louis XIVLe Pape obtint des souverains de l'Europe qu'elles fussent réduites. Louis XIV ne voulut pas. Son nouvel ambassadeur s'installa au Palais Farnèse avec deux cents hommes. Frappé d'anathème, il s'en moqua et alla communier en grande pompe à Saint-Louis-des-François tandis que le Parlement prononçait une fois de plus la confiscation d'Avignon et du Comtat (1688). Il faudra attendre la mort d'Innocent XI pour que son successeur Alexandre VIII ne refuse plus l'investiture ou confirmation canonique aux candidats signataires des « Quatre articles », mais il exigeait d'eux une déclaration écrite, spécifiant qu'ils n'avaient prétendu émettre au sujet des droits du pape, qu'une opinion toute personnelle. Les intéressés ne demandaient que cela et Louis XIV en fut réduit à prier Dieu de « toucher le coeur endurci » du pape.
A la veille de sa mort, Alexandre VIII publiait la bulle « Inter Multiplices » (1690) où il condamnait formellement les « Quatre articles » et annulait l'extension de la régale. Il fallut encore deux ans pour que Louis XIV réalise ce que signifiait la vacance de plus de, quarante sièges épiscopaux de France. Il céda la mort dans l'âme.
Alexandre VIII« Je suis bien aise de faire savoir à votre Sainteté, écrit-il, le 14 septembre 1693 que j'ai donné les ordres nécessaires pour que les choses contenues dans mon édit du 22 mars 1682, touchant la déclaration faite par le Clergé de France, à quoi les conjonctures passées m'avaient obligé, ne soient pas observées ». Il reconnut ainsi son erreur et celle du clergé Gallican.
Les évêques nommés depuis 1682 mais qui n'avaient pas reçu l'investiture canonique du Pape signèrent alors la rétractation suivante : « Nous professons et nous déclarons que nous sommes extrêmement fâchés de ce qui s'est passé dans l'assemblée susdite (de 1682) qui a souverainement déplu à sa sainteté et à ses prédécesseurs. Ainsi tout ce qui a pu être ordonné dans cette assemblée contre la puissance ecclésiastique et l'autorité pontificale, nous le tenons et nous déclarons qu'on doit le tenir pour non ordonné... »
La juridiction spirituelle du Clergé sortit victorieuse mais sa juridiction temporelle touchait à sa fin. Les lois de la séparation de l'Église et de l'État (1905) en seront la conclusion.
Comme nous venons de le décrire, ces événements hauts en couleurs indignaient bon nombre de chrétiens attachés à l'autorité Papale.
Les artistes exploitaient ces événements et faisaient la leçon au roi à travers leurs œuvres ; La Fontaine clans ses Fables (les Animaux de la Forêt), Molière dans ses comédies, Racine dans ses tragédies (Athalie), les peintres avec leurs toiles.
St Pierre par ReniLe tableau de Précy en est un exemple. Comme les Condé et leurs familiers, connus pour leur opposition au Roi, fréquentaient les Seigneurs de Précy, il n'est pas étonnant de trouver en l'église de Précy, un tableau qui à sa manière rappelle que le Christ n'a pas confié l'autorité spirituelle au Roi, fut-il de droit divin, mais à Pierre.
La remise des clefs signifie la remise d'un pouvoir et exprime la confiance accordée à Pierre. Le tableau évoque un passage de l'évangile selon saint Mathieu : « Tu est Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église et la puissance de la mort n'aura pas de force contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux .- tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux » (Math- XVI 18-19).
L'artiste a sans doute choisi le jaune or pour faire briller Pierre de tous ses éclats, alors que Jean peint en rouge exprime l'amour ardent du Seigneur qu'il a souvent traité dans ses écrits. Jacques est peint en vert. Nous retrouvons ainsi la trilogie du bleu, rouge et vert, cher aux peintres Flamands. Le violet-parme du Christ signifie la Sagesse, et le manteau bleu la royauté. La toile trahit également l'influence italienne qui traversait l'École Française du XVIIème siècle.

(1)    C’est grâce à l’intervention de Madame Pierrette Bonnet-Laborderie, conservateur des antiquités et objets d’art de l’Oise, que le tableau fut classé par arrêté le 31 décembre 1984
(2)    Ce tableau est une copie de « La remise des clefs à Pierre » par Guido Reni, inventaire du Louvre n°526 à Paris